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Réveiller le (cyber)punk !

 

Plusieurs mois après les annonces tonitruantes de Meta, force est de constater que le metaverse ne provoque pas l’emballement escompté par l’ex-Facebook. Pire, le concept inspire souvent la raillerie. 

Nous avons chez Skale alerté sur les risques que pouvait faire peser l’emballement médiatique sur le développement et l’adoption de l’ensemble des technos qui mèneront (peut-être) dans un futur lointain à l’avènement de ce nouveau web.

Personnellement, les gesticulations de M. Zuckerberg m’ont remmémoré un épisode de mon adolescence: la sortie d’un album funeste qui annoncait la geekisation de la culture mainstream.

Shock to the system

Un jour de 1993, l’adolescent que j’étais feuilletait les pages d’un magazine musical. Au détour d’un article, une publicité criarde me sauta aux yeux : « Cyberpunk, le nouvel album de Billy Idol. » À peine pubère, je ne voyais dans l’anglais peroxydé qu’un vieux punk fatigué avec ses 38 ans au compteur. Je ne savais rien de son passé glorieux (Gen X quand même !).

Et ce fut le drame…

Le cyberpunk était alors une composante majeure de mon imaginaire. Avide lecteur de William Gibson, Bruce Sterling et autre Jon Williams, je goutais les joies de la Matrice en compagnie d’amis rôlistes lors de parties de Cyperpunk 2020 (la traduction récente en jeu vidéo est bien plus prudente avec son 2077). Être nerd à l’époque, c’était sale, bizarre, impopulaire, rien à voir avec la culture geek mainstream actuelle. Bref, c’était un peu punk. Il y avait une grande fierté à partager des univers fascinants dans la confidentialité. Le cyberpunk était mon refuge.

La pub m’avait laissé un sale goût: l’impression d’être dépossédé de ma sous-culture par un vieillard opportuniste. Ce ne fut rien à côté de ce que je ressentis à la vision du clip de Shock to the System .

Cette récupération maladroite et ridicule des codes cyberpunk enterrait tout espoir de voir une ambition créative se déployer sur le terreau fertile de cet univers. Il fallut d’ailleurs plusieurs années avant de voir des œuvres grand public débarassées de cette vision grossière du genre.

La traduction crasse de mondes riches et complexes peignait de ridicule la délicate trame de nos rêves électriques. Premier coup de projecteur grand public et le cyberpunk était ringard. L’album fit un four, mais le mal était fait.

California Uber Alles

En 2001, Mark Zuckerberg a souhaité donner un nouveau cap à sa société en mettant sur le devant de la scène le concept de « metaverse » qui vit le jour dans Snow Crash, un ouvrage de Neal Stephenson publié en 1992.

Mark Zuckerberg a presque le même âge que Billy Idol lors de la sortie de Cyberpunk. Son entreprise est fragilisée et doit se renouveler. Il puise dans l’imaginaire Cyberpunk pour se faire. Au-delà du parallèle, ce ne sont pas les annonces autour de Meta qui m’ont ramené à la sortie de l’album Cyberpunk. Ce sont les deux vidéos ci-dessous.

La pauvreté des visions ici présentées est l’égale du drame esthétique qu’est le clip « Shock to the system ».

Je ne sais pas si le « Metaverse » comme nous l’entendons aujourd’hui verra le jour. Je crois, j’espère, qu’il naitra en grande partie d’initiatives folles, porté par des individus à la marge, des provocateurs marginaux et géniaux.

Oui, il faut des investissements énormes pour que l’infrastructure soit en place. On peut se féliciter que Meta n’hésite pas à mettre plusieurs milliards sur la table. Mais une chose est sûre, la vision est du côté des punks.